Les grandes familles juives de Damas de 1799 ˆ 1948.

 LĠaction Žconomique et politique des notables juifs des familles Farhi, Stambouli et Liniado.

 

 Article rŽdigŽ pour une communication auprs du Cercle de GŽnŽalogie Juive, Paris, le 2 mars 2009

 

Jacques Stambouli

Ma”tre de confŽrences en sciences de gestion et amŽnagement

(UniversitŽ dĠArtois et UniversitŽ Paris 1)

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La ville de Damas a toujours fascinŽ les esprits. Peut-tre parce quĠelle est une des plus anciennes villes du monde, ayant maintenu, depuis au moins 35 sicles, son existence sur un mme site : une oasis crŽŽe par la rivire Barada, au pied de la montagne de lĠAnti-Liban et aux portes du dŽsert qui sĠŽtend jusquĠaux vallŽes de lĠEuphrate et du Tigre. Cette oasis offre ˆ lĠorigine une halte pour les caravanes, au carrefour des routes qui vont de la MŽsopotamie et de la Perse ˆ la MŽditerranŽe, dĠest en ouest ; et de celles qui, du nord au sud, vont du plateau dĠAnatolie ˆ lĠEgypte, en passant par la Palestine.

 

Nous Žtudierons la prŽsence juive dans cette ville entre 1799, date de la pŽnŽtration de lĠarmŽe franaise de Bonaparte en Syrie et 1948, date de la crŽation de lĠEtat dĠIsra‘l. Peu dĠŽtudes ont ŽtŽ Žcrites sur le sujet, notamment parce que lĠon ne dispose pas dĠarchives du recensement, celui-ci Žtant Žtabli le plus souvent par communautŽ religieuse dans lĠEmpire ottoman et les donnŽes Žtant perdues ou difficilement accessibles aujourdĠhui.

 

Nous avons donc utilisŽ des sources gŽnŽalogiques (en particulier le site gŽnŽalogique Ç Les Fleurs de lĠOrient È, mis en place par la famille Farhi[1]), les archives de lĠAlliance IsraŽlite Universelle[2], en particulier les rapports des directeurs des Žcoles de lĠAlliance ˆ Damas, les correspondances de Damas au PrŽsident de lĠAlliance ˆ Paris entre 1860 et 1940 et quelques sources familiales.

 

CĠest pourquoi nous nous sommes limitŽs ˆ trois familles de notables juifs de Damas : les Farhi, les Stambouli et les Liniado, familles par ailleurs apparentŽes.

 

Vu lĠampleur de la pŽriode, riche en bouleversements de toutes sortes, et le nombre de personnes concernŽes dans chaque famille, nous avons centrŽ notre propos sur lĠaction Žconomique et politique des notables les plus marquants de ces familles, en la replaant dans son contexte.

 

Dans une premier chapitre, nous retraons le cadre socio-Žconomique de lĠaction de ces notables de Damas, dans la sociŽtŽ syrienne de la fin du XVIIIe sicle. Ensuite, nous avons choisi quelques dates, pour lesquelles nous avions des informations nouvelles, de sources diffŽrentes. Dans chaque cas, les rapports avec la France, son Etat et ses institutions sont ŽvoquŽs, permettant de comprendre la francisation problŽmatique de ces Juifs de Damas.

 

  1. Damas en 1799 : une sociŽtŽ traditionnelle hiŽrarchisŽe par religions et professions

 

En 1799, la ville de Damas compte ˆ peu prs 100 000 habitants et environ 4000 Juifs[3].

 

En fait, ˆ cause de la mauvaise tenue des registres ottomans, les recensements complets, basŽs sur le paiement des imp™ts, nĠont pas ŽtŽ faits pour les XVIIe et XVIIIe sicles. En 1596, la ville comptait environ 45 000 habitants, dont 37 500 Musulmans, 4900 ChrŽtiens et 2500 Juifs. 

 

Damas est, ˆ lĠŽpoque, une des grandes villes commerantes de lĠEmpire ottoman, et un des chefs-lieux dĠune des plus proches provinces arabes dĠIstanbul.

 

Cette grande province ottomane intŽgre, ˆ quelques dŽtails de frontires prs, les pays actuels suivants : la Syrie, le Liban, Isra‘l, les territoires palestiniens occupŽs ou contr™lŽs par Isra‘l[4]. Damas est moins peuplŽe que Le Caire, mais bien plus que JŽrusalem ou Beyrouth et que toutes les autres villes du littoral mŽditerranŽen de Palestine.

 

CĠest une ville prestigieuse, qui est mentionnŽe, au quinzime sicle avant notre re, dans les listes gŽographiques du pharaon Touthm™sis III, qui fut la capitale de lĠEmpire arabe des Omeyyades de 661 ˆ 750,  et qui organise chaque annŽe une caravane pour le plerinage ˆ La Mecque par voie terrestre.

 

La prŽsence juive y est trs ancienne[5]. Le roi David, dans sa campagne contre la confŽdŽration aramŽenne, au dixime sicle avant notre re, a conquis la ville et y a installŽ des gouverneurs juifs (II. Samuel 8 :5-6). Au neuvime sicle avant notre re, la ville comptait des marchands juifs, selon le livre des Rois (I Rois, 20 :34). Les conquŽrants musulmans, au septime sicle de notre re, ont reconnu comme quartier juif la partie sud-est de la ville, o la communautŽ sĠŽtait Žtablie. Une des synagogues de Damas, celle de Jawbar, situŽe ˆ environ deux kilomtres au nord de la ville, est mentionnŽe dans le Talmud (Eruvim 61b).

 

Depuis 1516, Damas fait partie de lĠEmpire ottoman. Elle a accueilli des Juifs expulsŽs dĠEspagne au seizime sicle. Progressivement, ceux-ci ont abandonnŽ le judŽo-espagnol pour parler arabe, tout en se diffŽrenciant par leurs noms de famille.

 

Damas, en 1799, comme de nombreuses villes arabes de lĠEmpire ottoman de cette Žpoque, appara”t socialement comme Ç un ensemble de groupements professionnels et confessionnels, chacun jouissant dĠun pouvoir autonome (É), chaque groupement Žtant divisŽ entre dominants et dominŽs È[6]. La sociŽtŽ ottomane a repris dans son organisation sociale une tradition antŽrieure ˆ lĠislam et hŽritŽe de la Perse sassanide et des Turco-Mongols : le Sultan, chef politique et religieux, est le ma”tre dĠun troupeau quĠil tond en mme temps quĠil le protge et le guide[7].

 

Parmi les dominants musulmans, on trouve les dirigeants nommŽs par le Sultan (le gouverneur ou wali, ses assistants, les chefs militairesÉ) , les chefs religieux (oulŽmas), les notables (aĠyan), en particulier les gros commerants, rŽsidant en ville, dans le quartier central regroupant la grande mosquŽe omeyyade et les principaux marchŽs.

 

Parmi les dominŽs musulmans, on trouve les petits commerants et artisans de la ville ainsi que les paysans des campagnes autour de Damas.

 

Les rapports socio-Žconomiques entre la ville de Damas et la campagne sont organisŽs de deux faons[8]. DĠune part par le marchŽ : la campagne vend ˆ la ville ses produits agricoles ; la ville fournit ˆ la campagne ses produits artisanaux et manufacturŽs. DĠautre part par lĠimp™t : la majoritŽ des terres est propriŽtŽ de lĠEtat ottoman, cĠest-ˆ-dire du Sultan ; le gros des loyers de la terre revient donc ˆ la trŽsorerie de lĠEtat, dont la collecte, en nature ou en monnaie, est organisŽe dans la ville.

 

Ë Damas et dans la rŽgion, les notables se sont octroyŽs les principaux droits de percevoir annuellement, pour un montant fixŽ, les rentes foncires pour lĠEtat ottoman. La richesse des notables ne vient donc pas seulement de leur commerce, mais de leur capacitŽ ˆ percevoir lĠimp™t pour le compte de lĠEtat sur les paysans et dĠen garder une partie pour eux.

 

Du fait de la propriŽtŽ dĠEtat des terres, le r™le du marchŽ est limitŽ dans les Žchanges. Les dominants cherchent ˆ maintenir la stabilitŽ du systme des Žchanges, dans un cadre Žconomique prŽindustriel peu dynamique. Ç La politique de lĠEtat et celle des aĠyan (notables) consistait en prioritŽ ˆ stocker les grains produits ˆ la campagne, dans les silos publics, afin de pouvoir les redistribuer par la suite suivant les besoins dĠapprovisionnement de la ville. Les paysans ne pouvaient disposer de leur production et nĠavaient pas la libertŽ de lĠorienter vers le commerce extŽrieur [9] È.

 

La division dominants-dominŽs se retrouve aussi dans la communautŽ juive.

 

Tous les Juifs – comme les ChrŽtiens - ont un statut considŽrŽ comme infŽrieur par rapport ˆ tout Musulman : le statut de dhimmi. Selon ce statut, les communautŽs non musulmanes se voyaient accorder tolŽrance et protection de la part des autoritŽs. Mais elles devaient reconna”tre la primautŽ de lĠislam, la suprŽmatie des Musulmans ; et elles devaient payer un imp™t par tte (capitation) et se soumettre ˆ diffŽrentes restrictions dĠampleur variable selon les situations politiques ( types de vtements, port dĠarmes, construction dĠimmeublesÉ) [10].

 

Parmi les Juifs, il y a des dominants : les notables, riches banquiers et gros commerants et les rabbins. Et il y a des dominŽs : les petits commerants et artisans de la ville, et les pauvres, en situation prŽcaire, nĠayant parfois pas dĠautres sources de revenus que le soutien communautaire[11].  Tous vivent dans le quartier juif de Damas (Harat al-Yahud).

 

Zouhair Ghazzal note que Ç  les groupes sociaux ˆ travers lesquels lĠEtat pouvait dŽvelopper la production de ressources libres Žtaient les groupes confessionnels minoritaires, en particulier les ChrŽtiens et les Juifs. (É) Les ChrŽtiens tenaient en main une bonne partie du commerce extŽrieur et on trouvait parmi les Juifs les plus grands financiers de lĠEmpire[12] È.

 

Les Juifs Žtaient les seuls ˆ pouvoir lŽgalement faire de gros prts ˆ lĠEtat (le prt ˆ intŽrt est normalement interdit par la loi musulmane) ; et ils servaient de conseillers financiers et politiques auprs des dirigeants ottomans parce quĠils appartenaient ˆ un groupe minoritaire infŽriorisŽ qui ne pouvait rŽclamer, dans un Etat strictement musulman, aucun pouvoir politique officiel.

 

Tel Žtait le cas de la famille Farhi de Damas, et notamment de Ha•m Farhi, conseiller et financier auprs du gouverneur de la province de Syrie, Jazzar Pacha au moment o Bonaparte envahit lĠEgypte et la Syrie.

 

  1. 1799 : Jazzar Pacha et Ha•m Farhi arrtent Bonaparte ˆ Acre

 

Pour lĠhistorien franais Henry Laurens, Ç lĠexpŽdition dĠEgypte (de Bonaparte) appara”t manifestement comme un aboutissement de lĠÏuvre des Lumires. LĠuniversalisme des Lumires finissantes devient discours de lŽgitimation de lĠexpansion europŽenne. (É)En mme temps que lĠon sĠengage dans un processus de domination, on adopte un discours de libŽration [13] È. Un impŽrialisme rŽvolutionnaire, en quelque sorte.

 

LĠhistorien ajoute, en ayant bien lu Bonaparte[14], que les considŽrations gŽopolitiques sont, avant cette idŽologie, les motifs premiers de lĠexpŽdition : frapper lĠAngleterre sur la route des Indes et sĠassurer une nouvelle colonie (lĠEgypte) productrice de denrŽes non-europŽennes.

 

En Egypte, lĠirruption de lĠarmŽe franaise, ˆ partir du premier juillet 1798,  met ˆ bas le pouvoir de la caste des mamlouks, qui gouverne au nom de lĠEmpire ottoman. Mais la puissance anglaise rŽagit et dŽtruit la flotte franaise le premier aožt ˆ Aboukir. Le 9 septembre, lĠEmpire ottoman dŽclare la guerre ˆ la France. Il concentre des forces en Syrie, avec des canonniers entra”nŽs par des officiers royalistes franais et avec le soutien de la marine anglaise.

 

Dans ces conditions, Ç NapolŽon rŽsolut de prendre lĠoffensive, de passer lui-mme le dŽsert, de battre lĠarmŽe de Syrie, de sĠemparer de tous ses magasins et des places dĠEl-AĠRych, de Gaza, de Jaffa, dĠAcre, dĠarmer les ChrŽtiens de Syrie, de soulever les Druses et les Maronites. Il espŽrait quĠˆ la nouvelle de la prise de Saint-Jean dĠAcre, les Mamlouks, les Arabes dĠEgypte, les partisans de la maison de D‰her[15] se joindraient ˆ lui ; quĠil serait ma”tre en juin de Damas et dĠAlep. (É) Dans cette situation, il serait en Žtat dĠimposer ˆ la Porte, de lĠobliger ˆ la paix, et de lui faire agrŽer sa marche sur lĠInde[16] È.

 

Le 11 fŽvrier 1799, Bonaparte quitte Le Caire, en direction de la Syrie. Il dispose de 13 150 hommes.[17]. Il prend Gaza le 24 fŽvrier, Jaffa le 7 mars, fait fusiller 2500 prisonniers, et met le sige devant Acre le 19 mars. Il obtient le soutien de la famille arabe Zaydani et des ChrŽtiens de la rŽgion de TibŽriade. Il va essayer dĠobtenir aussi le soutien des Druzes (Musulmans chiites du nord de la montagne libanaise), des Maronites (ChrŽtiens du sud de la montagne libanaise) et celui des Juifs.

 

Bonaparte Žcrit : Ç  les Juifs Žtaient assez nombreux en Syrie ; une espŽrance vague les animait ; le bruit courait parmi eux que NapolŽon, aprs la prise dĠAcre, se rendrait ˆ JŽrusalem, et quĠil voulait rŽtablir le temple de Salomon. Cette idŽe les flattait. Des agents chrŽtiens, juifs, musulmans, furent dŽpchŽs ˆ Damas, ˆ Alep et jusque dans les ArmŽnies ; ils rapportrent que la prŽsence de lĠarmŽe franaise en Syrie agitait toutes les ttes.[18] È

 

Henry Laurens note que lĠenvoi de ces agents nĠest authentifiŽ par aucune source dĠarchives et quĠil est probable quĠen multipliant les notations, Bonaparte cherche ˆ dissimuler le fait que lĠŽmir Bachir, chef des Druzes et des Maronites, ne sĠest pas joint aux Franais. Par ailleurs, la faon dont Bonaparte parle du temple de Salomon montre, selon Laurens, que Bonaparte nĠendosse pas ce projet.

 

En fait, rien nĠatteste que les communautŽs juives de Syrie aient accueilli Bonaparte avec sympathie. Selon Yžsuf bin Dimitri al-Halab”, un ChrŽtien dĠAlep, aprs lĠinvasion de lĠEgypte et de la Syrie par Bonaparte, les autoritŽs ottomanes ont assignŽ ˆ rŽsidence tous les ressortissants franais et ont rŽvoquŽ leurs protections. Puis, dŽbut janvier 1799, ces ressortissants ont ŽtŽ emprisonnŽs et leurs biens mis en vente. Mais al-Halab” souligne quĠaucun ChrŽtien local, Juif ou membre dĠune autre communautŽ Žtrangre (al-Faranj) nĠest concernŽ par cet ordre[19].

 

Les Juifs locaux apparaissent donc fidles ˆ lĠEmpire ottoman.  DĠautant plus quĠun des leurs, Ha•m Farhi, Žtait le bras droit du gouverneur de Syrie, Jazzar Pacha, avec lequel il organisait la dŽfense dĠAcre contre Bonaparte.

 

Ahmad Al-Jazzar (Ahmad Ç le boucher È en raison de sa brutalitŽ) est un mamelouk dĠorigine bosniaque, qui a fait ses premires armes auprs des mamelouks dĠEgypte[20]. Investi en 1775 par le Sultan du seul gouvernement de la ville dĠAcre, il reoit en 1785 lĠinvestiture de la province de Damas et Žtend son autoritŽ sur le sud de la Palestine. Son exercice du pouvoir est particulirement violent contre les chiites et les bŽdouins. Il constitue pour cela une armŽe de mercenaires de plus de 10 000 hommes en 1790.

 

Jazzar Pacha gouverne par la terreur. Arrivant devant Acre, Bonaparte note : Ç  les Musulmans du pachalik dĠAcre se plaignirent amrement de la fŽrocitŽ du pacha. On ne rencontrait ˆ tous moments que des hommes mutilŽs par les ordres de ce tyran : ce grand nombre dĠhommes sans nez Žtait un spectacle hideux[21] È.

 

Cette violence sĠexerait mme sur les conseillers les plus proches de Jazzar Pacha. F.B. Spilsbury, chirurgien sur le bateau de lĠAmiral anglais Sir Sidney Smith, accompagna lĠAmiral dans ses visites ˆ Jazzar Pacha, au moment du sige dĠAcre par Bonaparte, et dessina les scnes quĠil avait vues. Il reprŽsenta, dans une gravure souvent reproduite, le conseiller juif de Jazzar Pacha, Ha•m Farhi, lĠÏil crevŽ, son oreille et son nez coupŽ, tendant ˆ la main la condamnation dĠun criminel devant Jazzar Pacha.

 

Nous connaissons la vie de Ha•m Farhi (Damas vers 1750-Acre 1820), fils de Saul (Shihada) Farhi, banquier ˆ Damas, par un Žcrit de 1840, Žtabli par Loewe, assistant de Sir Moses Montefiore[22].  Loewe rencontra la famille Farhi au moment o elle Žtait accusŽe, comme tous les notables de Damas dĠailleurs, dont les LŽvi-Stambouli et les Liniado, de crime rituel contre un religieux par le consul de France, Ratti-Menton, dans le cadre de Ç lĠaffaire de Damas È.

 

Selon Loewe, les Farhi venaient de Tyr, en Asie mineure, et se sont Žtablis ˆ Damas au XVIIe sicle. Ils exeraient la profession de banquier et de collecteurs des imp™ts pour le gouvernement ottoman.

 

Ha•m commena sa carrire comme banquier auprs du gouverneur de Haina, puis ˆ 20 ans, il fut envoyŽ ˆ Istanbul pour le contr™le des comptes auprs du Ministre des Finances. EmprisonnŽ ˆ Istanbul, il fut libŽrŽ par une intervention de sa sÏur Reina, ‰gŽe alors de 14 ans, auprs du Sultan. Jazzar Pacha prit alors Ha•m Farhi ˆ son service ˆ Acre.

 

La charge dĠHa•m Farhi nĠŽtait pas de tout repos. Selon la relation de Loewe, jalousŽ, il fut ˆ nouveau emprisonnŽ sous les ordres de Jazzar Pacha qui lui fit crever un Ïil, et couper une partie du nez et une oreille, avant de le rŽtablir dans ses fonctions.

 

Ha•m Farhi, pour financer lĠarmŽe de Jazzar Pacha, instaura un monopole de la vente des produits agricoles aux EuropŽens, probablement ˆ son profit et ˆ celui de Jazzar. Les nŽgociants franais dĠAcre furent dŽpossŽdŽs dĠun commerce lucratif. Ils furent expulsŽs dĠAcre au dŽbut des annŽes 1790[23]. La maison dĠHa•m Farhi ˆ Acre est une ancienne maison franaise, portant sur son fronton une fleur de lys (symbole royal franais), dans le Ç khan el frang È (marchŽ des Franais).

 

Ha•m Farhi et Jazzar Pacha se rŽvlent de redoutables adversaires pour Bonaparte. Ils contactent la marine anglaise, qui fait venir deux navires de guerre, le Tigre et le ThŽsŽe, dans la rade de Ha•fa. Ces navires interceptent la petite flottille franaise, chargŽe de transporter lĠartillerie de sige, trop lourde pour prendre la voie du dŽsert.

 

Jazzar Pacha fait massacrer les ChrŽtiens restant ˆ Acre et arme le reste de la population, prte ˆ mourir en combattant pour Žviter le sort des Musulmans fusillŽs par Bonaparte ˆ Jaffa. Pour contenir les premiers assauts franais, Jazzar Pacha et Ha•m Farhi font construire une deuxime ligne de retranchement, derrire la vieille enceinte dĠAcre et y font disposer lĠartillerie prise aux Franais.

 

Bonaparte apporte un nouveau matŽriel de sige par un convoi naval venant dĠAlexandrie et dŽbarquant ˆ Jaffa le 30 avril. Mais les nouveaux assauts franais restent infructueux et les pertes en officiers considŽrables. Le 7 mai, une flotte ottomane de renfort Žcourte le bombardement franais. Mais la ligne extŽrieure des fortifications dĠAcre est emportŽe par les soldats franais.

 

Bonaparte prŽpare un nouvel assaut dŽcisif. Il fait ses confidences ˆ Bourrienne : Ç si je rŽussis, je trouverai des armes pour 300 000 hommes. Je soulve et jĠarme toute la Syrie, quĠa tant indignŽe la fŽrocitŽ de Jazzar. Je marche sur Damas et Alep. JĠannonce au peuple lĠabolition de la servitude et des gouvernements tyranniques des pachas. JĠarrrive ˆ Constantinople. Je renverse lĠempire turc. Je fonde dans lĠOrient un nouvel et grand empire qui fixera ma place dans la postŽritŽáÈ.

 

Le 10 mai, lĠassaut a lieu sous la direction de KlŽber. Acre est toujours imprenable. Le soir mme, Bonaparte dŽcide de lever le sige. Le 17, il lĠannonce ˆ lĠarmŽe. Dans la nuit du 20 au 21 mai, lĠarmŽe franaise lve le camp et retourne en Egypte. Les Naplousains et les BŽdouins vont la harceler. Bonaparte rŽpliquera en appliquant la destruction des moissons et la politique de la terre bržlŽe pour maintenir une distance avec les troupes adverses. Mais Jazzar Pacha prŽfŽra rester ˆ Acre avec ses troupes pour contr™ler le pays ˆ son profit.

 

Ha•m Farhi servit Jazzar Pacha jusquĠˆ la mort de celui-ci en 1804[24]. Il Žtait connu comme Ç El Muallim È, le Ma”tre en arabe. Il servit aussi ses successeurs, Isma‘l Pacha et Soliman Pacha, pour qui il a correspondu secrtement en turc avec Mohammed Ali, Pacha dĠEgypte. Pour la communautŽ juive, il sĠoccupa des contributions envoyŽes de lĠŽtranger en Palestine, venant notamment de Russie et dĠAutriche, pour le soutien aux pauvres et aux Žtudiants du Talmud.

 

Il fut assassinŽ en 1820 ˆ Acre, ŽtranglŽ ˆ la porte de sa maison, par les soldats du successeur de Soliman Pacha, Abdallah, qui disait que ce Juif avait rŽussi ˆ obtenir une trop grande influence sur les Musulmans, ˆ lĠaide de moyens illŽgitimes. Son corps fut jetŽ ˆ la mer. Mais la maison Farhi, ˆ Damas dans le quartier juif, a longtemps gardŽ son nom : Ç El Muallim È. Et ˆ Acre (aujourdĠhui Akko, en Isra‘l), une place centrale sĠappelle Farhi, en son honneur.

 

 

3. 1868 : Jacob Stambouli reoit des peintres orientalistes franais dans sa nouvelle maison 

 

Le conflit entre la France et lĠAngleterre, lors du sige dĠAcre par Bonaparte, a fait entrer Damas et la Syrie dans le grand jeu diplomatique entre les puissances europŽennes et lĠEmpire ottoman.

 

Damas, ville assez fermŽe aux Žtrangers en 1799, va sĠouvrir et les puissances europŽennes, essentiellement la France et lĠAngleterre, vont pouvoir Žtablir leur prŽsence dans le cadre dĠune ouverture gŽnŽrale de lĠEmpire ottoman ˆ lĠEurope.

 

De 1839 ˆ 1878, lĠEmpire ottoman vit la pŽriode du Ç Tanzimat È (du pluriel du mot arabe tanzim qui signifie rŽorganisation)[25]. Une Žlite politique ottomane cherche ˆ moderniser lĠEmpire dĠen haut, ˆ partir dĠIstanbul, en ouvrant lĠEmpire au commerce avec lĠEurope, en crŽant des Žquipements modernes dans la capitale (postes, banques, h™tels, Žcoles, thŽ‰tres, avenues, tramwaysÉ) et en transformant lĠadministration ottomane ˆ partir du modle occidental.

 

En thŽorie, les membres des autres communautŽs religieuses, depuis lĠŽdit de GŸlhane (1839) et les rŽformes suivantes, sont mis sur un pied dĠŽgalitŽ juridique avec les Musulmans.

 

En pratique, Zouhair Ghazzal montre quĠil nĠen est rien ˆ Damas[26]. Les notables sunnites de Damas occuprent tous les postes des nouveaux conseils administratifs locaux. Il y eut une seule exception : pour lĠannŽe 1840, aprs le retrait du pouvoir Žgyptien qui gouverna Damas de 1833 ˆ 1840, Rapha‘l Farhi reprŽsenta la communautŽ juive mais il ne siŽgea pas les annŽes suivantes.

 

En 1842, Beaudin, interprte chancelier au consulat de France de Damas, estime ˆ 112 500 habitants la population de Damas, dont 84,6 % de Musulmans, 11,1 % de ChrŽtiens et 4,3 % de Juifs (4850)[27].

 

Mais le nouvel imp™t dĠhabitation, basŽ sur le nombre dĠhabitants et dŽcidŽ par le conseil administratif local, fut plus important pour les minoritŽs chrŽtiennes et juives (respectivement 17,5 % et 10 %[28]) que leur poids dans la population.

 

Cependant, avec des hauts et des bas, certains notables juifs de Damas purent sĠenrichir durant cette pŽriode. Tel est le cas de Jacob LŽvy-Stambouli qui inaugura en 1868 une nouvelle maison damascne trs richement dŽcorŽe, juste ˆ c™tŽ de la maison Farhi.

 

En plus de leur r™le traditionnel de banquiers, de collecteur dĠimp™ts pour lĠadministration ottomane, des notables juifs de Damas sĠenrichirent en participant au dŽveloppement du commerce international avec lĠEurope. Dans les annŽes 1860, des Juifs de Damas commencrent mme ˆ investir dans les rŽcoltes cotonnires au nord de la Palestine, dans un but dĠexportation, parce que le coton des Etats-Unis se faisait rare en raison de la guerre de SŽcession[29]. Par ailleurs, de nombreux notables juifs de Damas, Žtant sujets protŽgŽs des grandes puissances, servaient dĠagents locaux pour les sociŽtŽs europŽennes. Cette ouverture au commerce international pouvait mettre en difficultŽ certains mŽtiers dont les produits locaux (textiles par exemple) nĠŽtaient pas compŽtitifs par rapport aux produits europŽens[30]. Damas sĠouvrait aux rgles de la concurrence capitaliste.

 

Jacob Stambouli (Damas, vers 1828-Damas, 1888), notable juif aisŽ en 1868, a pour pre Nathan Shehada Stambouli (vers 1792-1854). Son oncle, Aaron LŽvy-Stambouli fut, avec 14 autres notables juifs de Damas, parmi les accusŽs de lĠaffaire de Damas en 1840.

 

Aaron LŽvy-Stambouli Žtait en 1840, le deuxime plus riche nŽgociant de Damas, aprs Mourad Farhi. Le pre dĠAaron, David LŽvy, avait dŽcidŽ de rajouter ˆ son nom celui de Stambouli, pour se distinguer des nombreux LŽvy de Damas et parce quĠil se rendait souvent ˆ Istanbul pour y rŽgler des affaires juridiques, selon la tradition familiale.

 

Aaron Stambouli avait ŽtŽ accusŽ de participation au meurtre du domestique du pre Thomas[31].  Ce moine capucin sarde avait disparu de Damas avec son domestique, le Musulman Ibrahim Amara, le 3 fŽvrier 1840. Les Capucins firent courir le bruit que les Juifs les avaient tuŽs, pour utiliser leur sang ˆ la fte de P‰que. Le consul de France ˆ Damas, le comte de Ratti-Menton, mena rapidement lĠenqute avec le gouverneur Žgyptien, ChŽrif Pacha. Par la torture, ils extorqurent des aveux aux domestiques des notables juifs. Les notables furent arrtŽs et torturŽs, dont Mourad, Joseph, Mehir et Juda Farhi, Joseph Liniado et Aaron Stambouli. Deux accusŽs moururent sous la torture : le rabbin Joseph Harari, un vieillard de 80 ans, et Joseph Liniado. Aaron Stambouli, Mourad, Joseph et Mehir Farhi furent condamnŽs ˆ mort avec six autres Juifs de Damas, dont Isaac Levi Picciotto, sujet protŽgŽ autrichien.

 

Le consul dĠAutriche, M. Merlatto, demanda ˆ instruire lĠaffaire concernant son protŽgŽ. Aboutissant ˆ des conclusions diamŽtralement opposŽes ˆ celles du consul de France, il alerta James de Rothschild, consul dĠAutriche ˆ Paris. LĠaffaire Žclata au grand jour dans la presse. Elle aboutit ˆ une dŽlŽgation de lĠavocat Isaac-Adolphe CrŽmieux, de Salomon Munk, de Louis Loewe et de Sir Moses Montefiore, soutenue par la reine dĠAngleterre Victoria, auprs de Mohamed Ali, vice-roi dĠEgypte qui occupait ˆ lĠŽpoque la Syrie. Ce dernier ordonna la mise en libertŽ des victimes le 28 aožt 1840 et rappella ChŽrif Pacha au Caire. Ratti-Menton, qui fut soutenu ˆ lĠAssemblŽe par Thiers[32], sera nommŽ loin de lĠOrient. Le 6 novembre 1840, le Sultan signa un firman dŽclarant que Ç les livres religieux juifs ont ŽtŽ examinŽs, le rŽsultat de tels examens est quĠil fut trouvŽ que, chez les juifs, sont strictement prohibŽs lĠusage du sang humain et mme celui des animaux. DĠo il ressort que les accusations portŽes contre eux et contre leur religion ne sont que pures calomnies  . È

 

 

Nous savons que Jacob Stambouli finit de construire sa maison en 1868 par un tŽmoignage datant de lĠŽpoque, mais paru seulement en 1993[33]. Au cours dĠun voyage en Egypte et au Moyen-Orient dĠun groupe de peintres orientalistes franais ˆ lĠinitiative du peintre Jean-LŽon GŽr™me, auquel participe aussi le peintre LŽon Bonnat, le peintre nŽerlandais Willem de Famars Testas (1834-1896) a tenu un journal de voyage en franais. Le 4 mai 1868, le groupe, aprs avoir rencontrŽ Ç les Juifs influents de la ville È est invitŽ chez M. Stambouli, Ç israŽlite opulent È, comme le note le peintre nŽerlandais qui ajoute : Ç sa maison est toute neuve : il lĠa fait b‰tir dans le style ancien et elle nĠest mme pas entirement terminŽe È.

 

La maison sera largement photographiŽe par FŽlix Bonfils (1831-1885), le premier photographe franais ˆ installer un studio ˆ Beyrouth et qui diffusa de nombreuses cartes postales de la maison que lĠon trouve encore chez les collectionneurs. Bonfils dŽbarqua, en 1860, avec les troupes franaises de NapolŽon III, qui restrent au Liban au nom de la dŽfense des minoritŽs chrŽtiennes.

 

En effet, les troubles opposant dans la montagne des Druzes (Musulmans chiites) aux Maronites (ChrŽtiens se rattachant depuis les croisades au catholicisme) se rŽpercutent ˆ Damas, sur fond de conflits entre ChrŽtiens et Musulmans sur des questions dĠimp™ts[34]. Les Musulmans estiment que les ChrŽtiens sont favorisŽs par les rŽformes du Tanzimat. Des militaires musulmans et la pgre de la ville de Damas pillent et bržlent les maisons du quartier chrŽtien, massacrant plusieurs milliers de personnes[35] les 9 et 10 juillet 1860. Le Sultan AbdŸl-Medjid envoie Fouad Pacha ˆ Damas qui fait exŽcuter une centaine de militaires et une cinquantaine de civils, tenus pour responsables des massacres [36]. Certains ChrŽtiens accusrent les Juifs dĠavoir pris part aux violences ; mais, aprs quelques emprisonnements provisoires, ils furent libŽrŽs.

 

InvitŽ le 4 mai 1868 chez Jacob Stambouli, de Famars Testas, en bon peintre, note dans son carnet lĠorganisation des festivitŽs :  Ç vers six heures et demie, les invitŽs arrivaient peu ˆ peu ; une douzaine de dames juives, parŽes de tous leurs diamants prenaient place sur lĠample divan (en fait lĠiwan, un espace vožtŽ en plein air, situŽ au frais) ; on leur servit de suite des narghilŽs et des sucreries. (É). Parmi les invitŽes, se trouvait une grande dame anglaise qui sĠest mariŽe ˆ un Cheik de Palmyre, Lady Digby. (..) Ë sept heures et demie, on passait dans la salle ˆ manger : nous y trouvions une table richement arrangŽe ˆ lĠeuropŽenne, et des quantitŽs de plats. Comme boisson, il y avait du vin de Damas et de lĠarakieh. Aprs le d”ner, nous sommes redescendus dans la grande salle, o on causait, en fumant et mangeant dĠexcellentes confitures. Bient™t arrivaient encore dĠautres invitŽs dont plusieurs Žtrangers, entre autres la marquise dĠEly et son fils. Le fils de M. Stambouli[37] parlait un peu franais, le pre ne parle ni ne comprend le franais ˆ son grand regret È.

 

Cette rŽception montre bien les nombreux contacts internationaux dĠun notable juif de Damas comme Jacob Stambouli et son ouverture vis-ˆ-vis de la France. Ces contacts datent en particulier de lĠaffaire de Damas de 1840. En effet, de Famars Testas note que le peintre GŽr™me prŽsente le 3 mai aux notables juifs Ç une lettre circulaire de M. lĠavocat CrŽmieux de Paris È. Il ajoute : Ç  Ce M. CrŽmieux a, par son talent dĠavocat, sauvŽ la population juive de Damas dĠune ruine complte. En lĠabsence de M. GŽr™me, cĠest Goupil son gendre, qui a remis la lettre. On lĠa reu comme un envoyŽ de prince et peut-tre plus affablement encore È. DĠo lĠinvitation ˆ d”ner pour le lendemain de Jacob Stambouli.

 

Avant de se rendre ˆ la rŽception des Stambouli, de Famars Testas Ç fait une course en ville avec un M. allemand, israŽlite, nommŽ Weiskopf. CĠest un monsieur, envoyŽ par la sociŽtŽ israŽlite de France, pour diriger les Žcoles juives de Damas. Il nous a conduits ˆ son Žcole. Nous Žtions ŽtonnŽs de lĠordre et de la propretŽ qui rŽgnaient lˆ-dedans ; plusieurs mme, parmi les plus petits, Žtaient dŽjˆ avancŽs dans la langue franaise et Žcrivaient pas mal les caractres europŽens È.

 

En fait, il sĠagit de M. Weiskoff, israŽlite franais, dĠorigine ashkŽnaze, qui dirige effectivement lĠŽcole de garons de lĠAlliance IsraŽlite Universelle quĠil a ouvert ˆ Damas en 1864.[38]

 

LĠAlliance IsraŽlite Universelle a ŽtŽ fondŽe ˆ Paris en 1860 pour Ç prter un appui efficace ˆ ceux qui souffrent pour leur qualitŽ dĠIsraŽlites È et pour Ç travailler partout ˆ lĠŽmancipation et aux progrs moraux des IsraŽlites [39]È. De 1863 ˆ 1880, Isaac-Adolphe CrŽmieux en sera le PrŽsident. Il dirige un Ç ComitŽ Central È de trente membres dont les deux tiers rŽsident ˆ Paris[40]. Tous les directeurs des Žcoles doivent rendre rŽgulirement des comptes au ComitŽ Central.

 

La crŽation de lĠŽcole de Damas ne sĠest pas faite sans problme. Dans une lettre de M. Weiskoff du 20 fŽvrier 1868 au ComitŽ Central,  concernant la crŽation de lĠŽcole, ce dernier Žcrit : Ç  le respect dont jĠentoure les dŽcisions du ComitŽ Central me dŽfend de protester contre lĠassertion que cĠŽtait sur mon initiative que lĠŽcole de Damas a ŽtŽ crŽŽe et que lĠAlliance lĠaccepte comme un fait accompli.[41] È

 

M. Weiskoff ne semble pas avoir toute la confiance du ComitŽ Central puisquĠil lui Žcrit dans une lettre du 2 dŽcembre 1868 : Ç  le ComitŽ Central me reproche dĠavoir compromis lĠexistence de lĠŽcole de Bagdad. CĠest pour moi un sujet dĠaffliction que dĠtre en butte ˆ une position quasi-prŽcaire depuis que jĠai lĠhonneur se servir sous vos ordres È.

 

Le ComitŽ Central fermera lĠŽcole de garons de Damas en 1869. Il la rouvrira en 1880, sous la direction de M. Fresco et ouvrira une Žcole de filles en 1883.

 

Dans les listes des Žlves des Žcoles de lĠAlliance, on trouve de nombreux enfants Farhi, Stambouli et Liniado. Les enfants des notables juifs vont aller dans les Žcoles de lĠAlliance, qui donnaient une formation de type franais jusquĠau certificat dĠŽtudes[42], avec un bon apprentissage du franais, en plus de lĠarabe et dĠun peu dĠhŽbreu. Ils continueront ensuite leurs Žtudes supŽrieures, notamment dans des Žcoles chrŽtiennes du Moyen Orient.

 

LĠinfluence des Žcoles de lĠAlliance ˆ Damas va se manifester par la diffusion de la culture et de la langue franaise. Elle va heurter lĠinfluence traditionnelle des rabbins des Talmud Torah, mme si des rabbins locaux vont enseigner lĠhŽbreu dans les classes de lĠAlliance, en particulier le rabbin Chehade Maslaton (nŽ vers 1856)[43] qui enseigna ds la crŽation de lĠŽcole de garons. A la fin du XIXe sicle, cĠest lĠAlliance qui intŽgrera dans son rŽseau Žducatif les Talmud Torah, au dŽtriment du pouvoir des rabbins traditionnels locaux [44].

 

LĠAlliance va aussi influer sur le vtement et les moeurs des Juifs de Damas. Les Žlves des Žcoles de lĠAlliance devaient tre habillŽs ˆ lĠeuropŽenne, en abandonnant le vtement traditionnel[45]. Parmi les jeunes femmes de notables, la mode et lĠŽlŽgance de Paris vont se rŽpandre comme en attestent les photos de famille.

 

LĠAlliance va complŽter lĠinstruction des adultes et donner une formation professionnelle ou gŽnŽrale aux enfants des notables (Žlves payants) mais aussi aux enfants des petits artisans, ouvriers et commerants (Žlves Ç gratuits È, recevant parfois un aide alimentaire) [46].

 

Elle va former quelques enseignants locaux. En 1906, pour la premire fois ˆ Damas, lĠŽcole de garons de lĠAlliance a un directeur originaire de Damas : Nissim Farhi. Mais lĠAlliance subira le phŽnomne dĠŽmigration Žconomique des Juifs de Damas, ds la fin du XIXe sicle et ses rapports avec le conseil de la communautŽ seront souvent difficiles, notamment pour faire payer les frais de lĠŽcole [47].

 

A partir des annŽes 1870,  la situation Žconomique de certains notables riches va se dŽgrader jusquĠau dŽbut du nouveau sicle[48].

 

En 1869, le canal de Suez est ouvert : les routes commerciales et les plerinages ˆ La Mecque vont beaucoup plus passer par mer et par lĠEgypte que par terre et par Damas. En 1875, lĠEmpire ottoman ne peut plus rembourser sa dette publique[49]. Des notables juifs de Damas, dont les Stambouli, qui avaient souscrit aux emprunts dĠEtat sont en difficultŽ. Les Anglais et les Franais vont mettre en place, ˆ partir de 1878, une administration de la dette : le montant de la dette est abaissŽ de moitiŽ et le taux dĠintŽrt maintenu entre 1 et 4%.

 

Ë la mort de Salomon Stambouli, en 1895, Bolissa Farhi, sa veuve loue la maison Stambouli pour lĠŽcole des garons de lĠAlliance IsraŽlite. Le directeur de lĠŽcole, Ouziel Žcrit en 1896, au ComitŽ Central : Ç depuis que nous avons louŽ la maison Stambouli, notre local scolaire ne laisse rien ˆ dŽsirer [50] È. LĠŽcole compte 179 Žlves et 6 classes.

 

En plus des problmes Žconomiques mentionnŽs, Bolissa Farhi, veuve Stambouli, se trouve dans une situation personnelle difficile : elle a certes trois garons (Jacques, Nathan et Isaac) ; mais aussi  sept filles ˆ marier : Leila, Jemila, Laura, Nezha, FaridŽ, Victoria et Adle. CĠest de ce moment que date son dicton : Ç les filles Stambouli sont tellement belles quĠil nĠy a pas besoin de dot pour les marier È.  

 

En 1901, la maison Stambouli va servir ˆ lĠŽcole de filles qui compte 316 Žlves. Mathilde Alchalel, sa directrice, dans son rapport annuel au ComitŽ Central, considre que cĠest Ç une des plus belles maisons du quartier juif, que tous les touristes de passage viennent visiter. È Mais Ç nos classes ne sont pas logŽes ˆ lĠaise dans ce palais. Il nĠy a pas assez de pices pour sept classes et nous sommes obligŽs de sŽparer le salon en deux par un grand rideau en toile pour faire deux classes. Si la maison nous appartenait, il nous serait facile de lĠamŽnager pour en faire une belle Žcole car la place ne manque pas. Des pourparlers ont ŽtŽ engagŽs pour lĠacquisition de cet immeuble. Ils nĠont pas abouti en raison du bas prix que vous en avez offert. Nous avons dž renouveler le bail pour une nouvelle pŽriode de trois ans. [51]È

 

En 1903, une lettre au secrŽtaire de lĠAIU ˆ Paris, M. Benedict, de la part des fils de Jacob Stambouli, signŽe David Levy Stambouly[52] et Elie Levy Stambouli ainsi que de Mme Stambouli (probablement la veuve de Salomon Stambouli, Bolissa Farhi), explique les termes de la vente de la maison Stambouli ˆ lĠAlliance. Les Stambouli veulent Ç vendre leur propriŽtŽ paternelle par suite de la misre o nous sommes tombŽs surtout que nous comptons (nous) installer en Egypte. La valeur normale de la maison est de plus de 15 000 livres. È Ils notent que M. Alchalel, le directeur de lĠŽcole des garons, a proposŽ Žventuellement 2000 livres : Ç il est regrettable de vendre ˆ si bas prix È[53].

 

La vente ne se fera pas. Et la maison Stambouli restera dans la famille. Elle sera achetŽe par Joseph Liniado, un riche notable de Damas. Et Bolissa Farhi va marier son fils Jacques Stambouli – mon grand-pre – avec Adle Liniado, la fille unique de Joseph Liniado. Jacques Stambouli, ŽlevŽ chez les JŽsuites ˆ Beyrouth, sera avocat aux Tribunaux mixtes du Caire. Mais deux enfants dĠAdle Liniado, Salomon dit Raymond et Robert naquirent dans la maison Stambouli o Adle vint accoucher et o la famille du Caire venait lĠŽtŽ rejoindre les grands parents de Damas.

 

4. 1928 : Joseph Liniado devient dŽputŽ pour la communautŽ juive  au Parlement de Syrie

 

Aprs la premire guerre mondiale, le paysage politique est bouleversŽ en Syrie et la communautŽ juive de Damas va tre divisŽe selon plusieurs orientations trs contradictoires.

 

LĠEmpire ottoman, alliŽ des Allemands, est dŽfait militairement en 1918. Le gŽnŽral anglais Allenby prend Damas le 30 septembre. Des notables arabes tentent de prendre le pouvoir. Faysal dĠArabie les renverse et se place sous lĠautoritŽ dĠAllenby. Le gouvernement ottoman signe lĠarmistice le 30 octobre 1918 avec les Anglais. Le traitŽ de Svres en aožt 1920 signera la paix entre les AlliŽs et lĠEmpire ottoman, qui est dissous et dŽsormais appelŽ Turquie. Mustapha Kemal rejettera ce traitŽ et, par une campagne militaire, obtiendra un nouveau traitŽ plus favorable : le traitŽ de Lausanne de 1923, qui dŽsigne les frontires actuelles de la Turquie[54].

 

LĠancienne province ottomane de Syrie a fait lĠobjet des accords secrets Sykes-Picot, Žtablis en mai 1916 entre lĠAngleterre et la France, qui prŽvoient un mandat pour chaque pays, la France au Nord (Liban, Damas) et les Anglais au Sud (Palestine, Transjordanie). Ë Damas, ˆ partir de novembre 1918, de faon provisoire, sous la direction de Faysal dĠArabie, un gouvernement arabe sĠest installŽ, avec prŽsence des troupes anglaises. Ce gouvernement veut constituer un Etat unitaire moderne, multiconfessionnel, dŽmocratique et indŽpendant[55].

 

La constitution de ce gouvernement ne correspond pas au projet de la France de mandat sur le nord de lĠancienne Syrie ottomane. En juillet 1919, une commission dĠenqute amŽricaine, la commission King-Crane va en Syrie pour Žclairer les grandes puissances. Ses conclusions confirment lĠopposition des populations au mandat franais.

 

Le 8 mars 1920, le Congrs syrien proclame ˆ Damas lĠindŽpendance de la Syrie dans ses frontires anciennes, Palestine incluse, avec Faysal comme roi constitutionnel. Mais le 22 mars, le Conseil administratif du Liban proclame lĠindŽpendance du Liban. Le 25 avril 1920, le Conseil suprme interalliŽ attribue ˆ la France le mandat de la Syrie (Liban inclus) et ˆ la Grande-Bretagne le mandat sur la Palestine et la MŽsopotamie. Le 7 mai, le gouvernement arabe syrien dŽcide la conscription gŽnŽrale. Le 24 juillet 1920, ˆ Khan Maysalun, sur la route reliant Beyrouth ˆ Bagdad, le gŽnŽral Gouraud Žcrase lĠarmŽe arabe syrienne sous le feu de son artillerie lourde, de ses blindŽs et de son aviation. Faysal prend lĠexil ; les Anglais le mettront sur le tr™ne dĠIrak. Et la France commence son mandat, qui doit prŽparer le pays ˆ lĠindŽpendance, avec lĠopposition dĠune bonne partie de la population de Syrie.

 

Le gouvernement franais va rŽpondre ˆ cette situation par un morcellement de la partie de lĠancienne province ottomane dont elle est mandataire. En janvier 1920, le Haut commissariat franais crŽait un Etat de Syrie, regroupant les Žtats dĠAlep, de Damas et LattaquiŽ, avec Damas comme capitale ; les autres territoires constituent le Grand Liban. Et le centre politique du pouvoir mandataire est ˆ Beyrouth.

 

Cependant, le pouvoir franais nĠarrive pas ˆ stabiliser durablement lĠEtat de Syrie. En 1925, une rŽvolte Žclate dans la montagne druze, investissant Damas, attaquant le sud de la ville, dont le quartier juif, les 18 et 19 octobre. Les troupes franaises bombardent Damas et doivent lutter contre la guŽrilla dans lĠoasis de la Ghožta et dans la montagne jusquĠˆ lĠŽtŽ 1926.

 

Les Žlections ˆ lĠAssemblŽe constituante, en 1928, ont pour but de trouver une solution politique. La communautŽ juive obtient dĠtre reprŽsentŽe par un dŽputŽ.

 

Les archives de lĠAlliance IsraŽlite permettent de conna”tre les conditions de cette Žlection et ses enjeux. Le directeur de lĠŽcole de garons de lĠAlliance, M. Silberstein, rend compte au ComitŽ Central de cette Žlection par une lettre du 9 mai 1928[56] :

 

Ç la communautŽ israŽlite de Damas a ŽtŽ appelŽe ˆ prendre part aux Žlections du 2e degrŽ qui se sont dŽroulŽes les 10 et 24 avril dernier. La population israŽlite de Syrie compte de 25 ˆ 30 000 ‰mes, concentrŽes surtout ˆ Damas et ˆ Alep. Par suite de lĠŽmigration de nos coreligionnaires de Damas, notre communautŽ est devenue infŽrieure ˆ celle dĠAlep : Alep, 12 000 individus, Damas, 10 000 individus dont 2000 Žtrangers.

 

CĠest Damas qui fut dŽsignŽe pour choisir un reprŽsentant pour la Chambre des dŽputŽs, malgrŽ les nombreuses protestations des IsraŽlites dĠAlep.

 

Les Žlections du 1er degrŽ commencent le 10 avril et durent 3 jours. Les urnes se tenaient dans la grande synagogue. 300 Žlecteurs votrent, mais officiellement, le nombre de votants enregistrŽs fut de 2853. CĠest gr‰ce ˆ ce nombre imposant de votants que la CommunautŽ a rŽussi ˆ garder son sige. 30 notables furent choisis pour participer avec les autres Žlus de la ville aux Žlections du 2e degrŽ le 24 avril.

 

Deux candidats israŽlites se trouvrent en prŽsence : M. Joseph Liniado[57], partisan du gouvernement et M. Daoud Totah du parti nationaliste. Aprs plusieurs rŽunions des 30 notables, on sĠest mis dĠaccord pour ne prŽsenter quĠun candidat, M. Joseph Liniado. Le candidat nationaliste se dŽsista en faveur de M. Liniado.

 

Le 24 avril, se dŽroulrent les Žlections du 2e degrŽ. M. Joseph Liniado fut Žlu ˆ une majoritŽ Žcrasante : 680 voix sur 731 votants.

 

M. Liniado est un ancien Žlve de notre Žcole. Il appartient ˆ une grande famille qui depuis plusieurs gŽnŽrations a rendu de grands services au gouvernement du pays. Tous les membres de cette famille ont siŽgŽ dans les diffŽrents conseils de Damas.

 

LĠ Žlection dĠun dŽputŽ israŽlite a amenŽ une vŽritable explosion de joie dans notre quartier. Pendant trois jours, les ftes se succŽdrent sans interruption. Les murs ont ŽtŽ pavoisŽs aux couleurs franaises et syriennes. Les dŽlŽgations arabes et chrŽtiennes vinrent adresser leurs fŽlicitations au nouvel Žlu È. 

 

Une version humoristique du mme ŽvŽnement est rapportŽe par Moussa Abadi, dans sa nouvelle Ç un dŽputŽ nous est nŽ È[58]. Il explique ˆ sa faon la transformation du nombre dĠŽlecteurs :

 

 Ç Larnado fut Žlu ˆ lĠunanimitŽ, avec les voix des prŽsents et des absents, des vivants et des morts, des disparus, des ŽmigrŽs et des partis-sans-laisser dĠadresse.

 

Ë chaque passage dĠun Žlecteur devant lĠurne – en lĠoccurrence un panier dĠosier – on lui proposait, au choix, une bouteille dĠhuile, un sac de riz ou un tarbouche Ç un petit peu mitŽÉ Et on le priait de repasser.

 

Et tout le monde repassait devant le panier dĠosier È.

 

MalgrŽ la prŽsence dĠun dŽpute juif pro-gouvernemental – mon arrire grand-pre qui avait 78 ans ˆ lĠŽpoque – lĠAssemblŽe de Syrie nĠapporta pas de solution politique.  Elle vota une Constitution refusŽe par le Haut commissaire, parce quĠelle revendiquait des territoires passŽs au Grand Liban et demandait lĠunitŽ nationale intŽgrale et immŽdiate, impliquant la fin du mandat. La Chambre fut dissoute en mai 1930[59] . En 1934, la nouvelle Chambre Žlue en 1932, fut suspendue. En 1936, un traitŽ franco-syrien prŽvoit lĠindŽpendance, dans un dŽlai de 3 ans. ApprouvŽ par le Parlement syrien, il nĠest pas votŽ par le Parlement franais. En 1941, pour empcher le pouvoir de Vichy de se maintenir, les troupes franaises libres et les troupes britanniques pŽntrent en Syrie. En 1943, les Žlections consacrent le succs des nationalistes syriens. Mais la France ne transfre pas ses pouvoirs. En mai 1945, de graves troubles Žclatent ˆ Damas et les autoritŽs franaises bombardent la ville. Les Anglais demandent alors aux troupes franaises de quitter le pays ce quĠelles feront quelques mois plus tard.

 

Dans cette tourmente, dĠaprs les rapports des directeurs de lĠAlliance, la communautŽ juive de Damas Žtait ŽclatŽe entre pro-franais dont les partisans de lĠAlliance israŽlite qui maintint ses Žcoles, mais dont le directeur fut assassinŽ en 1942[60] ; nationalistes syriens, notamment chez certains jeunes ; et sionistes.

 

Le mouvement sioniste avait crŽŽ des Žcoles hŽbra•ques ˆ Damas en 1919, gratuites et concurrentes de celles de lĠAlliance ; mais elles furent fermŽes en 1925. En 1929, selon M. Silberstein, directeur de lĠŽcole de garcons de lĠAlliance, la Maccabi, association sportive juive, existait ˆ Damas, se rŽunissait dans lĠŽcole de lĠAlliance, avec comme PrŽsident honoraire Joseph Farhi, prŽsident de la loge BenŽ BŽrith et ancien prŽsident de la communautŽ de Damas.

 

Dans une situation politique aussi troublŽe, de nombreux juifs de Damas choisirent dĠŽmigrer, ˆ Beyrouth, en Egypte, en terre dĠIsra‘l, en AmŽrique ou en Europe.

 

Joseph Liniado, dŽputŽ juif de Damas, mourut en 1943, ˆ 93 ans. Ë sa mort, sa veuve Bayie Tubie et son neveu, Sabri Liniado vendirent la maison Stambouli ˆ une institution amŽricaine.

 

La crŽation de lĠEtat dĠIsra‘l, le 15 mai 1948, et la guerre permanente israŽlo-arabe, qui sĠest instaurŽe depuis, allaient prŽcipiter le dŽclin de la communautŽ juive de Damas, qui nĠexiste plus depuis 1994. Les familles des notables juifs de Damas comme les Farhi, les Liniado, les Stambouli avaient ŽmigrŽ ds le dŽbut du XX e sicle, au Liban, en Egypte, en Isra‘l, en France, en Suisse, en Grande Bretagne, en Espagne, au BrŽsil, aux Etats-Unis notamment.

 

LĠidentitŽ sŽpharade complexe de cette communautŽ, hŽbra•que par la religion et lĠorigine, arabe moyen-orientale par son insertion locale trs ancienne, franaise par son imprŽgnation culturelle, sĠest transportŽe ailleurs quĠen Syrie et forme de nouveaux mŽlanges.

 

Dans les guides anglais actuels de Damas, le quartier juif est toujours mentionnŽ. La maison Stambouli-Liniado (Ç Beit Nyaddu È) est toujours lˆ, appartenant ˆ un riche chiite. Et la maison Farhi a ŽtŽ rŽnovŽe. Elle est devenue lĠh™tel Talisman, un des h™tels les plus chics de Damas.

 

Le 7 mars 2009

 



[1] www.farhi.org

[2] Nous remercions Mlle Levine, bibliothŽcaire aux Archives de lĠAlliance IsraŽlite Universelle de toute lĠattention quĠelle a bien voulu porter ˆ notre recherche.

[3] Estimation pour  1848 du voyageur Benjamin II, citŽ dans Encylopaedia Judaica, Second Edition, Volume 5, Damascus, p. 395.

[4] Selon Henry Laurens, lĠEmpire ottoman avait, dans ce que Bonaparte va appeler la Syrie, trois circoncriptions administratives en 1799 avec un chef-lieu de circonscription :  le nord de la Palestine dŽpendait de la circonscription dĠAcre, les rŽgions centrales de Palestine et JŽrusalem dŽpendaient de la circonscription de Damas, la rŽgion littorale de Palestine constituait une unitŽ administrative ˆ part, avec des villes comme Gaza et Jaffa . (Note 3, page 369, in BONAPARTE, NapolŽon, Campagnes dĠEgypte et de Syrie, Imprimerie Nationale, Paris, 1998). Cependant, le gouverneur de la circonscription dĠAcre, Jazzar Pacha, reoit en 1785, lĠinvestiture de la circoncription de Damas, et Žtend son autoritŽ sur le sud de la Palestine. Il regroupe Ç  tous les commandements syro-palestiniens en dŽcembre 1798 pour faire face ˆ la menace franaise È  in LAURENS, Henry, LĠexpŽdition dĠEgypte, 1798-1801, Le Seuil, Paris, p.261.   

[5] Encyclopaedia Judaica, op. cit., pp. 390-397, article Damascus.

[6] GHAZZAL, Zouhair, op. cit. p.13.

[7] TERNON, Yves, Empire ottoman, le dŽclin, la chute, lĠeffacement, Le FŽlin, Paris, 2005, p.37.

[8]  GHAZZAL , Zouhair, op.cit., p. 16.

[9] Idem, p. 18.

[10] LEWIS, Bernard, Juifs en terre dĠIslam, Calmann-LŽvy, Paris, 1986, p.37.

[11] BEN NAEH, Yaron, Dans lĠempire ottoman, XVIe-XVIIIe sicle in TRIGANO, Schmuel, Le monde sŽpharade, I. Histoire, Seuil, Paris, 2006,  pp. 369-413.

[12]  GHAZZAL, Zouhair, op. cit. p. 26.

[13] LAURENS, Henry, Les Lumires et lĠexpŽdition dĠEgypte, pp. 18-21 in COLLECTIF, Bonaparte et lĠEgypte, Feu et Lumire, Hazan-Institut du Monde Arabe, Paris, 2008.

[14] BONAPARTE, NapolŽon, Campagnes dĠEgypte et de Syrie. PrŽsentation et notes de Henry Laurens, Imprimerie Nationale, Paris, 1998. Ce texte a ŽtŽ dictŽ au gŽnŽral Bertrand, tŽmoin oculaire des faits, dans lĠ”le de Sainte-HŽlne, lors des premires annŽes de sa captivitŽ.

[15] Il sĠagit de Dahir Umar Al-Zaydani, chef dĠune famille arabe dĠorigine bŽdouine qui sĠest opposŽe ˆ la domination ottomane en Palestine.

[16] BONAPARTE, NapolŽon, Campagnes dĠEgypte et de Syrie, op. cit. p. 212.

[17] Idem, p. 212.

[18] Idem, p. 232.

[19] RAFEQ, Abdu-Karim, La campagne de Bonaparte en Syrie, in COLLECTIF, Bonaparte et lĠEgypte, feu et lumire, Institut du Monde arabe, Hazan, Pari, 2008, pp.115-119.

[20] LAURENS, Henry, LĠexpŽdition dĠEgypte, Le Seuil, Paris, 1997, pp. 260-263.

[21] BONAPARTE, NapolŽon, op. cit. p. 232.

[22] Le texte de F. Loewe sur les Farhi de Damas se trouve sur le site farhi.org., traduit par Remi Hakim.

[23] LAURENS, Henry, op. cit. p.262.

[24] ENCYLOPAEDIA JUDAICA, Second Edition, volume 6, FARHI pp. 714-716.

[25] TERNON Yves, op.cit. pages 149-161.

[26] GHAZZAL, Zouhair, p. 53.

[27] GHAZZAL, Zouhair, op. cit. p.38.

[28] Idem,  p. 40. Les chiffres sont de 1843.

[29] Idem, p. 79.

[30] GHAZZAL, Zouhair, op.cit. p.126.

[31] ENCYCLOPAEDIA JUDAICA, Second edition, volume 5, DAMASCUS AFFAIR, pp. 399-401. Voir aussi en franais, HEBEY, Pierre, Les disparus de Damas, Gallimard, 2003 et STAMBOULI, Raymond, Les Juifs de Syrie et lĠaffaire de Damas, pp. 431-436,  in MECHOULAN Henry (dir.), Les Juifs dĠEspagne, 1492-1992, Editions Liana Levi, Paris, 1992.

[32] HEBEY, Pierre, op. cit. p.233.

[33] DE FAMARS TESTAS, Willem, Journal de voyage en Orient, 1868, in Album de voyage, des artistes au pays du Levant, RŽunion des MusŽes Nationaux, Paris, 1993, pp. 181-183.

[34] GHAZZAL, Zouhair, op.cit. p.164-166.

[35] 5000 selon RONDOT, Philippe, La Syrie, Que sais-je ? PUF , Paris,  1998, p.32.

[36] TERNON, Yves, op. cit. p.181.

[37] Il sĠagit de Salomon Stambouli (1850-1895), qui a 18 ans en 1868, comme le note de Famars Testas.

[38] ENCYCLOPAEDIA JUDAICA, Damascus, p. 395.

[39] GIRARD, Patrick, Pour le meilleur et pour le pire. Vingt sicles dĠhistoire juive en France . Bibliophane, Paris, 1986, P. 309.

[40] ENCYCLOPAEDIA JUDAICA, Second edition, volume 1, ALLIANCE ISRAELITE UNIVERSELLE p. 671-675.

[41] Alliance IsraŽlite Universelle, Archives, Microfilms, Syrie, Bobine 3.

[42] RODRIGUE, Aron, De lĠinstruction ˆ lĠŽmancipation, Les enseignants de lĠAlliance israŽlite universelle et les Juifs dĠOrient, 1860-1939, Calmann-LŽvy, Paris, 1989.

[43] Ç Chehade Maslaton, notre premier rabbin a ˆ peine 45 ans. Il est ˆ lĠŽcole depuis sa fondation, cĠest-ˆ-dire depuis 21 ans. Il est pieux sans tre fanatique, doux, calme, il a sur les Žlves une grande autoritŽ. È (Samuel Alchalel, rapport 1901, Archives manuscrites AIU Syrie Damas, F 24 Garons).

[44] Ç Le Grand Rabbin nourrit encore lĠespoir de mettre un jour la main sur le Talmud Torah et cĠest ce qui fait que nous ne serons jamais bien ensemble. È  (M.Ouziel, rapport 1897 Archives manuscrites AIU, Syrie Damas, F 24 Garons)

[45] Ç Nous tenons ˆ ce que nos Žlves portent lĠhabit europŽen : veston et pantalon. È (Samuel Alchalel, rapport AIU 1905, Archives manucrites, AIU, Syrie, Damas, F 24 Garons). Ç Les jeunes filles sorties des bancs de notre Žcole ne ressemblent plus ˆ celles dĠautrefois.  Il est excessivement rare dĠen voir vtues de ces horribles robes de chambre que leurs mres affectionnent encore. Elles commencent ˆ ressembler un peu ˆ la jeune fille europŽenne. Il y en a mme qui aspirent ˆ vivre seules avec leur mari, rompant ainsi avec une des traditions les plus indŽracinables : celle de garder les fils auprs de soi longtemps aprs leur mariage. La jeune femme dans les premires annŽes de son mariage est entirement soumise ˆ la belle-mre qui dŽtruit ainsi toute lĠaction de lĠŽcole È (Mathilde Alchalel, Žpouse de Samuel Alchalel, rapport AIU 1904, Archives AIU, Syrie Damas, F 24 Filles).   

[46] Ç Le fait le plus saillant de lĠannŽe a ŽtŽ lĠinstitution de cours dĠadultes. LĠaffluence a ŽtŽ si considŽrable quĠil a fallu organiser successivement trois classes. Le nombre des Žlves, y compris les apprentis, a ŽtŽ de 194. Tous sont ouvriers, le moins ‰gŽ avait 18 ans et le plus ‰gŽ 45 ; la plupart sont mariŽs et ont leurs enfants ˆ lĠŽcole ou dans notre Talmud Tora  È (M.Ouziel, directeur de lĠŽcole de garons, rapport AIU 1897, Archives manuscrites, Syrie, Damas, F 24, Garons )

[47]Ç Nos coreligionnaires se sont mis en tte que lĠAlliance nĠa que faire des quelques centaines de francs que nous leur extorquons ici et quĠelle nous a envoyŽs pour secourir les misres È (M. Cohen, directeur de lĠŽcole des garons, rapport AIU 1890, Archives, Syrie, Damas, F 24 Garons ). Ç Les nouvelles gŽnŽrations, formŽes dans nos Žcoles, ne demeurent pas ˆ Damas : elles ont presque toutes ŽmigrŽ È (Samuel Alchalel, rapport AIU 1905-1906, idem).

[48] Ç Les grandes familles, les Stambouli, les Lisbona, les Farhi, les Harari etc. perdent chaque jour de leur influence parce quĠelles ont perdu leurs fortunes È (Samuel Alchalel, directeur de lĠŽcole de garons, Rapport AIU 1901, Archives manuscrites, Syrie, Damas, F 24, Garons).

[49] TERNON, Yves, op. cit. p. 209.

[50] Archives manuscrites AIU, Syrie XIII, F.24. Dossier Garons (1896-1931).

[51]  Archives manuscrites AIU, Syrie XIII, F. 24, Dossiers Filles (1896-1922).

[52] David Stambouli Žtait pote. La tradition familiale dit aussi quĠil fut juge ˆ Damas et que ses jugements en vers dŽpendaient de la rime quĠil trouvait.

[53] Archives AIU  microfilmŽes, Syrie, Bobine 40, STAMBOULI.

[54] CHAGNOLLAUD Jean-Paul, Quelques idŽes simples sur lĠOrient compliquŽ, Ellipses, Paris, 2008. En 1939, lĠEtat franais cŽdera unilatŽralement ˆ la Turquie, au dŽtriment de la Syrie sous mandat, la circonscription dĠAlexandrette et dĠAntioche, ports servant de dŽbouchŽs ˆ Alep, pour sĠassurer la neutralitŽ de la Turquie dans la guerre ˆ venir avec lĠAllemagne.

[55] MEOUCHY Nadine, Un roi arabe : Faysal, un espoir dŽu, in Damas, Autrement Hors SŽrie nĦ 65, Paris, janvier 1993, pp.70-79.

[56] AIU, Archives manuscrites, Syrie XIII F. 24 Dossier Garons 1896-1931.

[57] Le nom Ç Liniado È est parfois orthographie Ç Laniado È voire Ç Legnado È. Dans le cas de Joseph Liniado, il sĠagit de la mme personne. Nous avons harmonisŽ en Liniado, qui Žtait le nom sur le passeport de sa fille Adle Liniado. Les noms de familles Žtaient Žcrits en hŽbreu ou en arabe. Les transcriptions en caractres latins donnent des approximations et des variations pour le mme nom. Etymologiquement, le nom peur venir selon TAIEB, Jacques, op. cit. de lĠespagnol Ç  laniador È , raccomodeur de fa•ences et porcelaines. Selon la tradition familiale, le nom viendrait de Ç linea È, le lin.

[58] ABADI, Moussa, La reine et le calligraphe, Mes juifs de Damas, Christian de Bartillat Žditeur, Paris, 1993. Voir aussi, ABADI,Moussa, Shimon le parjure, Mes Juifs de Damas,  Editions du Laquet, 1999.

[59] RONDOT, Philippe, op. cit. p.p.37-38.

[60] ENCYCLOPAEDIA JUDAICA, op. cit. DAMASCUS.